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16 novembre 2014 7 16 /11 /novembre /2014 07:45
Une méthode sur des projets d'intérêt public difficiles ... mais qui a des ratés

Une méthode sur des projets d'intérêt public difficiles ... mais qui a des ratés

 

I. INTRODUCTION :
 

L’actualité met en évidence des problèmes après lancement, c’est le moins qu’on puisse dire, de projets à justification « environnementale » .
 

Il est ici proposé d’en analyser les causes à partir d’un cas d’école, le projet d’Autoroute Ferroviaire Atlantique (AFA), car il est de dimension nationale et apparaît regrouper à peu près tout ce qu’il ne faut pas faire.
 

L’analyse conduisant à cette conclusion repose exclusivement sur les éléments contenus dans le Rapport d’enquête publique, donc sous l’angle de l’intérêt général, porté par les Commissaires, afin d’éviter les objections classiques à la contradiction des projets : l’impossible unanimité,  le poids excessif de minorités agissantes et d’intérêts particuliers ...

 

Dans un contexte où les citoyens préoccupés de l’impact des projets, veulent être associés aux choix, il ressort de l'analyse, comme on le verra,  que la  « simplification des enquêtes publiques » ou la « méthode » de l’engagement de négociations après lancement de projets inadéquats et mal conduits ne répondent pas aux attentes.
 

Le § suivants reprennent le contenu du rapport d’enquête publique sur chaque étape du projet AFA :

II. Objectifs / tenants et aboutissants du projet mal posés / biaisés
III.
Mauvaise « solution »
IV.
Manque de prise en considération des intéressés / impactés
V.
Apports et faiblesses de l’enquête publique
VI.
Conclusion

 

Liens :

Il y a eu 2 enquêtes publiques en 2014 sur le projet AFA, une première du 5 mai au 5 juin (« 1ère enquête »)  et une autre du 23 juin au 23 juillet, dans les 25 communes impactées en région parisienne, qui avaient été omises dans la première.

Tous les documents consultables en ligne sur ces 2 enquêtes sont accessibles sous le lien 1 à la fin de l’article

 

Les éléments utilisés dans l'analyse sont tirés de  (les extraits sont en italiques) :

  • partie 3 du Rapport de 1è enquête (« Evaluation du projet ») : en lien 2
  • partie 4 du Rapport de 1è enquête (« Avis et Conclusions ») : en lien 3

 

Le Rapport de « 2è enquête » (en lien 4) regroupe les éléments du dossier de l’enquête 1 et les complète avec ceux provenant des 25 communes complémentaires de la région parisienne. Les analyses et conclusions sont analogues à ceux pour la région parienne  figurant dans l’enquête 1, qui, elle, couvre toute la ligne.


Des commentaires des extraits des rapport  sont en marron.
 
Ils se réfèrent à des articles antérieurs du blog Creo :

  • Les Plans de Protection de l'Atmosphère (PPA) dans les agglomérations : en lien 5
  • La règlementation du bruit en France, dont des infrastructures de transport : en lien 6
  • Les Plans de Prévention du Bruit dans l’Environnement (PPBE) : en lien 7
  • Analyse Creo / Sceve du projet AFA à Orléans et observations faites en conséquence lors de l'enquête publique : en lien 8

    ... ainsi qu'à :
  • L’avis défavorable motivé d’Essonne Nature Environnement et Ile de France Nature Environnement sur le projet AFA (sur le site ENE) : en lien 9
  • L'article du site WK-TL commentant  le rapport de la Cour des Comptes de février 2012 (en lien dans l’article) sur les deux premières autoroutes ferroviaires :  « Premiers enseignements et enjeux pour l’avenir » : en lien 10
     

 

II. LES OBJECTIFS / TENANTS ET ABOUTISSANTS DU PROJET MAL POSES / BIAISES :
 

L’idée du ferroutage pour réduire la pollution routière est séduisante et justifie une étude de faisabilité / opportunité sur une liaison entre le nord de la France et le sud ouest (et un jour l’Espagne quand les gabarits des voies seront unifiés) : ce n’est pas la seule solution pour une réduction du transport routier de marchandises au bénéfice du rail, comme mentionné dans le rapport.

Il s’agit donc de savoir quels gains environnementaux (et accidents) peuvent en être attendus  et pour quel montant pour le contribuable dès lors que le service doit être subventionné, ce qui, on va le voir, est indispensable.

L’utilité publique du projet résulte donc de la comparaison entre ces gains et le coût pour la collectivité : c'est ce sur quoi doit conclure le rapport d’enquête publique en se fondant sur les travaux qui ont précédé, les questions / demandes du public, des investigations et analyses.

Tous les éléments qui suivent, sur les éléments environnementaux et sociaux-économiques en relation avec la faisabilité/opportunité du projet proviennent de la partie 3 (« Evaluation du projet ») du Rapport d’enquête publique 1 en lien 2
 

  1. Formulation, qualitative, des objectifs :
     

« accompagner la croissance des besoins de transport de marchandises ; offrir au fret ferroviaire un lien direct entre le nord de l'Europe, la France et l'Espagne et accéder à un marché de 950 000 semi-remorques/an en 2015 et 1,1 millions semi-remorques /an en 2023 transitant par la route ; rééquilibrer les flux de marchandises sur l'axe Atlantique et désengorger les grands axes routiers pour plus de sécurité ; optimiser le système de transport existant notamment afin de limiter la création de nouvelles infrastructures ; améliorer les performances énergétiques du système de transport afin de contribuer à limiter les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports et à limiter la dépendance aux hydrocarbures ; réduire l'empreinte environnementale des infrastructures et équipements de transport afin de contribuer à maintenir ou recréer un environnement respectueux de la santé et de la biodiversité ».
 

  1. Gains relatifs sur la circulation de poids lourds pouvant être déduits du contenu du dossier : très réduits du fait des limites de capacité du parcours (voir §III)

    a) RFF indique :

« Le projet d'Autoroute Ferroviaire envisagé consiste en 4 allers retours quotidiens, entre

Dourges et Tarnos, empruntant la voie unique Niort-Saintes. Cette section de voie,

ainsi que le terminal de Tarnos, ne permettraient pas de traiter plus de 4 allers retours.

Pour aller au-delà de cette cadence, il conviendrait de dégager le gabarit des tunnels

situés sur l'itinéraire par Angoulême, au prix de travaux très importants, qui font actuellement l'objet d'études et d'évaluation, mais ne sont pas dans le périmètre de la présente enquête ; par ailleurs, une autre plateforme devrait être construite au sud de Tarnos ; enfin, il conviendrait de s'assurer de la compatibilité de ce service au regard des autres services de transport ferroviaires, notamment le transport de voyageurs en Ile de France, ou dans les grandes agglomérations traversées (Bordeaux...).
 

Le nombre de 20 circulations évoquées dans le dossier correspondent à un potentiel de

report modal de la route vers d'autres services ferroviaires sur cet axe. Il intègre les 4 allers retours quotidiens du service Atlantique, qui correspondent au maximum de capacité du site de Tarnos.

De ce point de vue, le terme d'Autoroute Ferroviaire est utilisé pour communiquer vis-à-

vis des transporteurs routiers et les inciter à faire transporter leur semi-remorque par les trains. Il ne doit pas évoquer un flux continuel de convois sur les voies ferrées, mais plutôt l'expression d'un report modal de l'Autoroute vers le rail, sans rapport avec l'image que peut véhiculer ce concept. »

Ces éléments montrent que la réduction de trafic de poids lours sur les voies entre nord et sud ouest de la France est de quelques %

 

b) Le Commissariat Général à l’Investissement (CGI) souligne :
 

« L'insertion des services d'autoroutes ferroviaires dans le système ferroviaire français n'est pas sans soulever des problèmes délicats de coexistence avec les autres composantes du trafic ferroviaire.

Les différents services de fret ferroviaires (trains « classiques », transport combiné,

autoroute ferroviaire) s'adressent à des segments du marché du fret ferroviaire relativement disjoints. En revanche, ils sont en concurrence pour l'obtention de « bons sillons » leur garantissant la régularité indispensable à une offre de service de qualité attractive pour les chargeurs.
Dans un système ferroviaire déjà très chargé par les trafics de trains de
voyageurs le plus souvent considérés comme prioritaires, ces « bons sillons » constituent une ressource rare que RFF a de grandes difficultés à programmer longtemps à l'avance avec une fiabilité suffisante, ce qui risque d'obérer le développement massif des services de fret envisagés dans le cadre du Grenelle de l'environnement. ....
Comme on l'a vu, l'opérateur prévoit une montée en charge progressive du service visant à mettre en place quatre allers retours quotidiens de trains longs de 1 030 mètres au bout de six ans d'exploitation. Au-delà de 2030, après la fin de la concession, période pour laquelle l'opérateur n'a pas fait de prévisions de trafic, RFF fait l'hypothèse d'un maintien du service au niveau de quatre allers retours quotidiens.

Ce plan de montée en charge semble ambitieux au regard des faibles capacités de circulation disponibles sur l'axe, en particulier au niveau des nœuds ferroviaires de Paris, Bordeaux et de Saintes. De nombreux éléments du dossier indiquent qu'il s'agit d'un risque majeur, qui pourrait devenir de plus en plus prégnant avec l'augmentation des autres circulations sur l'axe (trains de voyageurs et de fret) au cours du temps.
Ainsi, dans sa lettre du 26 mars au directeur général des infrastructures de transport (cf. annexe 1), le président de RFF insiste sur le manque de robustesse de l'exploitation. » 
 

Ce commentaire sur un report de la route vers le rail passerait « au mieux » de 2 AR/J en 2016 à 4 et pas plus met en évidence que cette faible ambition de détourner quelques % du trafic routier apr une "autoroute" ferroviaire est même très aléatoire du fait de la montée des besoins des voies pour des trafics plus essentiels très aléatoire : cet enjeu environental est à comparer à comparer au coût mais aussi à et à la perte environnementale liée au (difficile) passage en zones urbaines denses (l'utilisation de la voie du RER C en montre l'absurdité, accrue dans le projet présenté, comme on va le voir, par une traction diesel  sur la moitié du parcours pour de nombreuses années : cf §III)
 


3. Les éléments socio-économiques et analyses figurant dans le rapport montrent que compte tenu de ci-avant le projet est aberrant :
 

  • Après avoir indiqué que le « privé »  n’est pas intéressé :

« Un appel à manifestation d'intérêt auprès des différents acteurs susceptibles d'être intéressés par la mise en place du service d'autoroute ferroviaire atlantique (opérateurs, utilisateurs) mené par l'État à partir de l'automne 2008. Une consultation informelle a permis de conclure en 2009 qu'il ne pourrait pas y avoir, à court et moyen termes, d'initiative privée pour la mise en place d'un service d'autoroute ferroviaire sur l'itinéraire Atlantique, notamment en raison de la complexité et du coût d'un tel projet.
 

  • La concession du service est prévue être confiée à une filiale de la SNCF (Lorry-Rail / VIIA) , la  réalisation des travaux et la gestion d’infrastructure étant assurées par RFF:

« dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service et qui assume ainsi le risque d'exploitation. Ce montage garantit en outre aux financeurs publics, par contrat, la pérennité du service en contrepartie des aides versées au concessionnaire. Réalisation des travaux sur le réseau ferré national, sous maîtrise d'ouvrage de RFF, gestionnaire de l'infrastructure. »
(le risque économique pris par une filiale de la SNCF est cependant assumé in fine par le contribuable)

 

  • Les conclusions suivantes du CGI, qui montrent clairement que le projet est aberrant

    Sur la base des informations les plus complètes possible :  

« Le dossier fourni par le Ministère chargé des Transports puis complété à la demande des experts comprenait la plupart des éléments d’un dossier d’évaluation socio-économique, à l’exception  de la justification des variantes et options écartées et de la cartographie des risques... Pour sa part le CGI (Commissariat Général à l’Investissement) considère qu’au vu de la qualité des experts et de leur implication dans la contre-expertise du dossier constitue une base valable pour éclairer les futures décisions »

Le CGI conclut  :

« Les principales forces du projet sont les suivantes :

  • le recours à une technologie déjà éprouvé ce qui limite les risques techniques 
     

  • la tenue d'un engagement de développement du fret ferroviaire concourant au report modal  (ce qui ne justifie pas de le faire « à tout prix » là où le réseau n’est pas adapté)
     

    Les principales faiblesses du projet sont les suivantes :
     

  • forte dépendance aux subventions, y compris sur un terme plus long que prévu si l’opérateur est déficitaire (soit un fort appel au contribuable pendant toute la durée d’exploitation)
     

  • un bilan socio-économique à l’équilibre pour l’Europe mais fortement déficitaire pour l’autoroute ferroviaire qui abaissera les coûts de traversées de la France pour les transporteurs essentiellement étrangers 

    (le contribuable français subventionnera donc la traversée du pays par des transporteurs essentiellement étrangers pour gagner quelque % de la pollution de (leurs) camions sur l'axe nord - sud ouest)
     

  • la forte dépendance à la disponibilité des sillons qui n’est pas totalement garantie 

    (le manque de sillons est un risque majeur sur les résultats financiers car les aléas créeront la fuite des clients donc l'accoissement de l'appel au contribuable pour renflouer)
     

  • une réalisation prématurée, alors que la date optimale de mise à disposition de cette infrastructure est plutôt en 2030 

    (le rapport d’enquête publique apporte des précisions, que l'on va analyser au § suivant, montrant que plusieurs éléments d’une solution « moins pire » ne seront disponibles que dans quelques années : voir § III)

     

  • s'il s'agit d'une bonne opération immédiate pour le constructeur de wagons, la pérennité de son activité repose cependant sur la création très hypothétique de nouvelles autoroutes ferroviaires ou plus vraisemblablement vers un développement de nouvelles activités  (tout ça pour ça !)

     

    Au total, le CGI préconise, en ligne avec les recommandations du rapport de contre – expertise et pour améliorer la rentabilité du projet (réduire ses pertes !) une grande vigilance sur les points suivants :
     

  • Une réévaluation forte de la demande de subvention européenne au motif que l’investissement présente un bilan négatif de 80ME pour la France (ce qui ne résoud pas la question des pertes d’exploitations récurrentes )
     

  • la qualité et la régularité de l’offre de services pour fidéliser les transporteurs (ce qui semble pas gagné cf les risques mentionnés ci-dessus sur les sillons)
     

  • Il serait judicieux de réaliser rapidement le retour d’expérience de l’autoroute ferroviaire Perpignan – Luxembourg pour en retirer tous les enseignements souhaitables 

    (que le CGI en soit à ce stade du projet à suggérer l’exploitation de retours d’expériences est sidérant car le premier retour fait pas la Cour des Comptes en février 2012 parle de "démonstration inachevée" basée sur "des études préalables insuffisantes" : cf lien 10)
     

  • la tarification des carburants et des usages de la route sont des éléments pour orienter les transporteurs vers les modes les plus respectueux de l’environnement et ainsi rentabiliser l’investissement. A offre ferroviaire constante tout renchérissement des charges des transporteurs rendra l’autoroute ferroviaire plus attractive. Le rattrapage des charges sur le diesel et l’instauration d’une taxe carbone ira dans ce sens. Un abandon ou une réduction de l’écotaxe fragiliserait la rentabilité de l’infrastructure : prémonitoire !

     

    « Enfin, le CGI recommande que les questions méthodologiques soulevées dans le rapport de contre-expertise ... soient reprises, par exemple au sein d'un comité d'experts qui pourrait être placé soit sous l'autorité du Commissariat Général à la Stratégie et à la Prospective (CGSP), soit sous un pilotage commun CGI/CGSP. Dans ce dernier cas, il pourrait servir de lieu d'échange (et de retour d'expérience) sur les différentes contre-expertises réalisées. »  (traduction : les bases de lancement du projet ne sont pas établies ; comme le montre bien ce qui précède )

    A noter que l’économie du projet est encore plombée par les conclusions de l’Enquête publique qui spécifie la nécessité d’augmenter les sommes prévues pour traiter les points noirs du bruit créés / accrus par le projet : voir plus loin

    Le bilan négatif de ce projet « environnemental » est attesté par des prises de positions à son encontre de nombreux acteurs du développement durable : cf  par exemple l’avis défavorable motivé d’Essonne Nature Environnement en accord avec Ile de France Nature Environnement : en lien 9

En conclusion on ne peut être qu’atterré de constater que dans la situation économique de la France des instances de décision nationales puissent laisser passer des projets aussi mal conçus / aberrants et ce dans une démarche d’urgence qui empire encore les conséquences.

 

Il s’agit de toute évidence d’une application exemplaire de la logique Shadock.

Errements des projets « environnementaux » / Analyse à partir du cas de l’Autoroute Ferroviaire Atlantique (AFA) : éclairage sur les défaillances fourni par le dossier et l’enquête publique / Insuffisances des Enquêtes publiques, dernière étape avant les «renégociations » sur les projets.

On verra plus loin que le rapport d’enquête publique sur l’utilité du projet « s'affranchit de la question de l’opportunité du projet (en mettant en avant un argument générique qui signale systématiquement les projets perdants : des gains dont il ne serait pas tenu compte) :

« Le bilan est sous-estimé dans la mesure où les investissements consentis dans le cadre de projet profiteront sans doute à d'autres activités fret. En particulier la construction d'évitements et les mises au gabarit haut des tunnels permettront à des trains longs classiques de circuler et ils pourront transporter des charges de plus grandes dimensions sur ces lignes aménagées. Ces avantages supplémentaires potentiels ne sont pas pris en compte dans l'évaluation. »

Maintenant passons aux certitudes : les grandes faiblesses des « solutions » retenues.

 

III. MAUVAISE « SOLUTION » :

 

Le Rapport d’enquête publique met bien en évidence les éléments majeurs qui conduisent à une mauvaise solution.
 

1. Un projet basé sur un réseau existant conduisant à un parcours inadapté au ferroutage et à fortiori à son développement

 

« il conviendrait de s'assurer de la compatibilité de ce service au regard des autres services de transport ferroviaires, notamment le transport de voyageurs en Ile de France, ou dans les grandes agglomérations traversées (Bordeaux). »

« La commission d'enquête observe que le public francilien a majoritairement rejeté la traversée de la région parisienne par l'AFA en suggérant un large contournement soit par l'ouest, soit par l'est, de l'Ile de France »

« il apparaît que fort peu de voies ferrées héritage de l'histoire du développement ferroviaire en Ile de France, permettent d'éviter la région parisienne pour relier le Grand Sud-ouest au Nord de la France. La commission comprend donc les difficultés rencontrées par le pétitionnaire pour trouver d'autres solutions pour le passage des convois ferrés en région Parisienne (nœuds ferroviaires saturés, faible nombre d'itinéraires de contournement, passage des voies ferrées en centre-ville).

"La commission estime donc que les solutions sont contraintes et les alternatives de contournement quasi inexistantes. Seuls les deux itinéraires mis à l'enquête (la ceinture historique, par Saint Maur et la ceinture complémentaire, par Neuilly sur Marne) traversant la région parisienne et sa zone dense urbaine, répondent donc actuellement aux nécessités de l'Autoroute Ferroviaire Atlantique.
Or il est patent que le seuil de saturation sur ces deux itinéraires sera très rapidement atteint condamnant à terme tout développement ultérieur du fret national, voire une plus large ouverture au fret européen, entre Adour-Gascogne (et son prolongement vers l'Espagne) et le Nord de la France (et son prolongement vers l'Allemagne et le Benelux)."


Il ressort donc que la solution ne convient pas mais qu’il faut l’adopter car il n’y en a pas d’autre (raisonnement apparemment du niveau de la logique Shadock mais en fait inférieur car celle-ci fixe que « Quand il n’y a pas de solution, il n’y a pas de problème ») ,

Tout cela devrait évidemment conduire à la mise en sommeil du projet d’AFA jusqu’à disposer d’une solution convenable.

La Commission lance une timide perche dans ce sens (alors que seule une réserve sur la solution présentée peut imposer un changement de « solution » : conf § V) :

"Bien que ce ne soit pas l'objet de l'enquête, la commission d'enquête s'est interrogée sur l'opportunité d'envisager, dans la prochaine décennie, la construction d'une ligne spécialement dédiée au fret ..."

L'objet de l'enquête n'est en effet "que" de conclure sur la pertinence du lancement du projet du point de vue de l'intérêt général !

Il n'est plus question dans la solution d'une voie de ferroutage suivant le parcours du TGV sud ouest, qui figurait antérieurement

Il n'est plus question dans la solution d'une voie de ferroutage suivant le parcours du TGV sud ouest, qui figurait antérieurement

 

2. Un délai de lancement qui empire la « solution » : passage par un tronçon non électrifié avec de lourdes conséquences  
 

  • Sur le passage par Niort-Saintes qui pose le problème, RFF indique :

    « Trois solutions sont envisageables :
    - Utilisation d'une traction « bi-mode », électrique-diesel, plus flexible mais encore en développement ».

    - Traction diesel au sud de Niort, électrique au-delà,
    - Traction diesel au sud d'Orléans, électrique au nord 
    C'est la solution qui a été choisie, avec pour conséquence absurde dans le projet présenté :

    « ... ce qui entraine donc, si on traduit bien les propos de RFF, l'utilisation de la traction diesel entre Orléans et Tarnos ! La commission s'étonne que, pour quelques kilomètres de voie non électrifiée, les concepteurs du projet prévoient de faire circuler des trains en mode « diesel », même provisoirement, sur bien plus de 500 km de voie électrifiée ! »

    La Commission accepte cependant que le projet soit engagé sur cette base inadéquate de son propre point de vue, car « provisoire » ... mais de durée longue à coup sûr :

    « La commission note avec intérêt le côté « temporaire » de la solution choisie d'un tracé par Niort-Saintes et la volonté exprimée par le pétitionnaire de réaliser, au plus tôt, malgré d'évidentes contraintes (construction de la LGV-SEA, mise aux gabarit de plusieurs tunnels...) le transfert de l'AFA sur l'itinéraire initialement prévu via Angoulême. La commission approuve totalement ce choix en considérant que l'itinéraire par Angoulême est le seul itinéraire susceptible d'être cohérent autant pour la pérennisation du projet que pour le développement du fret ferroviaire en général (temps de parcours amélioré, nouvelles offres de services, ligne totalement électrifiée, moindre impact pour les riverains...).

    Son rapport mentionne que la solution peut être aménagée pour être moins absurde, sans pour autant faire une réserve (cf §V) :

    " La commission, consciente des contraintes induites par le tracé prévu, mais soucieuse de la nécessité de préserver une empreinte écologique optimale, préconise l'aménagement de sites intermédiaires de changement de traction, même si ces aménagements représentent un coût financier conséquent.

    La commission propose donc, dans la mesure du possible, un premier changement de traction à Niort et non au sud d'Orléans et l'utilisation du mode « diesel » uniquement entre Niort et Bordeaux. La commission souhaite enfin, l'utilisation, dès que possible de la traction « bi-mode » (électrique-diesel). 


    Afin de « justifier » cette prise de position non contraignante la Commission mentionne :

    « La commission note cependant que, même lorsque le diesel est utilisé, son impact carbone au km est toujours plus favorable à celui induit par un poids lourd. »

    Il est évident que dans un projet "environnemental" 'est aberrante la « solution » d’un parcours de plusieurs centaines de km avec des motrices diesel, y compris au sein des zones urbaines (en contradiction avec le renforcement des Plans de Protection de l'Atmosphère : cf lien5) à cause qu’un court tronçon non électrifié, alors qu’il existe plusieurs moyens de l’éviter : attendre que le passage par Angoulême ou que des motrices bimode soient disponibles (vus les enjeux environnementaux et du bilan socio-économique le projet n’a aucun caractère d’urgence) ou à défaut modifier les lieux de changements de motrices ce qui se traduira par un surcoût mais on a vu précédemment que c'est l'ensemble du projet qui peut être qualifié de "surcoût"


 

3. Les insuffisances dans le traitement et le financement, des nuisances bruit / vibrations :
 

  • Le recueil auprès du public sur le sujet et l’analyse de la Commission :
     

 " Il convient tout d'abord de noter que la commission d'enquête a été surprise par la forte affluence du public constatée en zone urbaine dense, particulièrement en région parisienne, mais aussi ...Les réactions du public ont en outre été largement relayées par les autorités municipales en ce sens qu'elles se sont prononcées par des délibérations en grande majorité hostiles au projet et souvent très étayées dans leur contenu.

En fait cette enquête a révélé une situation préexistante et se présente donc comme une photographie des principales nuisances constatées dont nombre d'entre elles auraient déjà par le passé été portées à la connaissance de RFF sans, semble-t-il recevoir de réponse appropriée.

Plus que les nuisances sonores susceptibles d'être générées par la mise en circulation des futurs convois de l'autoroute ferroviaire, c'est sur celles qui sont dues aux passages des trains de fret actuels que le public est intervenu, redoutant par la mise en œuvre de l'AFA, un effet cumulatif des nuisances déjà constatées.

 

En effet, des incohérences, voire des aberrations dans le traitement des situations envisagées ou retenues sur le plan sonore peuvent être constatés (les zones faiblement chargées sont plus sensibles aux émergences et sont prises en compte et traitées prioritairement aux zones à bruit plus important notamment en zones urbaines denses notamment)."


"Un important contentieux dans le domaine de la communication (seulement dans la communication; pas dans l’action ?), a généré des préoccupations du public non spécifiques au projet mais plutôt liées à la circulation générale des trains notamment du transport de fret existant, accentuant ainsi l'inquiétude et le rejet du projet par le public."

 

  • La réponse de RFF sur la nuisance et son impact sur sur son impact sur la valeur des biens affectés:
     

 « ... comme il est mentionné par ailleurs dans le document, ce service utilise des wagons modernes, permettant d'améliorer grandement la signature acoustique des convois, beaucoup moins bruyant que les convois de fret classiques, et se rapprochant de celle de trains de voyageurs, type TER (la commission souligne que rien dans le dossier ne le démontre : cf ci-après)

Sur la plupart des sections du réseau concerné, 50 à 200 circulations quotidiennes sont observées ; l'ajout de 8 circulations n'est pas de nature à modifier sensiblement le trafic vécu par les populations.

En région parisienne, ou à la traversée de Bordeaux, de sont plus de 200 circulations auxquelles viennent s'ajouter, de manière marginale, les 8 de l'Autoroute Ferroviaire  (qui sont prévues tirées par des diesel dans le cas de Bordeaux)

A noter aussi que d'une année sur l'autre, il est impossible d'avoir une précision sur les flux avoisinant les flux apportés par l'Autoroute Ferroviaire.

Sans minimiser l'impact du
bruit engendré par l'ensemble de ces circulations sur les populations riveraines, le projet d'Autoroute Ferroviaire ne peut porter à lui seul que l'effet de sa contribution à l'inconfort ressenti. (RFF n’ayant pas traité convenablement jusqu’à présent ses productions de nuisances bruit : voir plus loin,  considère donc pouvoir en ajouter davantage au motif qu’elles ne dégraderont qu’un peu plus (d'après RFF) la situation !)
 

Une section du réseau, entre Niort et Saintes, est particulièrement concernée par l'addition des circulations par le projet d'Autoroute Ferroviaire. Elle retiendra toute l'attention de RFF, et a été identifiée comme telle dans l'étude acoustique. (argument de plus pour retarder l’ouverture éventuelle d’un tel service  jusqu’ à disponibilité du passage par Angoulême)
 

Sur le fond des préoccupations exprimées par une population soucieuse de son cadre de vie, et inquiétée par une l'appellation d'un service finalement limité, une moins-value immobilière éventuelle proviendrait de nuisances visuelles ou sonores. S'agissant des impacts visuels, la situation n'empire pas par rapport à la situation actuelle. Concernant le bruit, RFF se met en conformité avec la réglementation en vigueur et prendra, conformément à la règlementation en vigueur, les mesures appropriées permettant d'y remédier (voir plus loin).
 

Le service proposé par l'Etat ne requiert aucune création de ligne nouvelle ; en conséquence, l'ensemble des constructions sont probablement postérieures à la construction de la voie ferrée ; la règlementation précise les conditions dans lesquelles des mesures de protections doivent être envisagées (se pose néanmoins la question de l’impact des modifications des usages postérieures à la construction des bâtiments : cf règlementation sur le bruit / sujet des infrastructures de transport, dans article antérieur en lien 6) ; elle n'ouvre pas, en principe, à la possibilité d'exproprier ou d'indemniser les riverains pour moins-value immobilière »

 

  • Les conclusions de la Commission :
     

« La commission d'enquête estime que, s'agissant de ce projet, les risques inhérents au bruit et aux vibrations sont avérés et prend acte des réponses du pétitionnaire sur les inquiétudes relatives aux nuisances liées aux trains de fret de grande longueur ; les demandes de protections acoustiques dans les zones sans transformation significative du bruit ; les demandes de murs antibruit dans les zones avec transformation significative du bruit ; le suivi de la réalisation des travaux.

 

Ainsi la commission d'enquête considère que si le pétitionnaire a respecté la réglementation en ce qui concerne les nuisances sonores en tenant compte de l'ensemble du linéaire prévu pour les circulations supplémentaires d'AFA liées au projet, comme étant en zone de modification d'infrastructure (et non pas les seules zones de tunnels et évitements).
 

Toutefois, la réponse qu'il apporte, s'agissant notamment de la résorption du bruit  dans les zones urbaines denses est incomplète et donc insatisfaisante.
 

La commission d'enquête estime que le nombre élevé d'occurrences relatives à la problématique du bruit est particulièrement représentatif de la sensibilité du public et que la qualité apportée au traitement de cet item conditionnera fortement l'acceptabilité sociale du projet et corrélativement l'avenir du transport de fret ferroviaire.
 

La commission d'enquête considère cependant que les enjeux attachés à cette acceptabilité sociale ne pourront être garantis que si le pétitionnaire prend en compte trois axes d'actions :
 

1- le respect strict des engagements pris à savoir : désigner un interlocuteur unique identifié chargé de faciliter les relations entre les propriétaires, élus, associations et le pétitionnaire ; procéder éventuellement, dans des cas très spécifiques de risques majeurs de dommages aux immeubles ou autres ouvrages, et au cas par cas, à la pose de systèmes antivibratoires ; pour les habitations identifiées lors de l'enquête comme non prises en compte au plan des nuisances phoniques, les identifier lors d'études ultérieures conduites par un organisme indépendant du maître d'ouvrage, réaliser des modélisations plus approfondies avant de finaliser les choix techniques et le dimensionnement des protections et les traiter spécifiquement.
 

2- la mise en œuvre d'une communication indispensable avec les riverains, afin de déterminer : l'ordre de grandeur, le coût estimé du traitement, les délais de réalisation relatifs à l'apparition aux abords du parcours de nouveaux Points Noirs du Bruit dont l'augmentation serait inférieure à 2 décibels, donc non traités et qui seraient susceptibles de passer en Points Noirs du Bruit ; une localisation des bâtiments pour lesquels le projet est susceptible d'avoir des impacts en termes de vibration perçue, une évaluation de la gêne susceptible d'être occasionnée pour les occupants de ces bâtiments et une description des mesures qui seront mises en œuvre afin d'éviter, de réduire et de compenser ces impact ; la mise en œuvre du traitement des moyens de recours des propriétaires dans la durée, y compris pour les problèmes liés aux vibrations; l'efficacité des mesures prises, la préconisation d'autres solutions ou itinéraires alternatifs ; la pollution et la santé (poussières, champs magnétiques et électromagnétiques, dangers de la circulation, dégagements de CO2, aux odeurs, aux particules et à celles remises en suspension) ; les nuisances en général.
 

3- l'augmentation significative des moyens financiers dédiés à la mise en œuvre des protections acoustiques au-delà du strict respect de la réglementation
(pour mémoire, les mesures compensatoires envisagées par le pétitionnaire représentent un coût de 5 660 k€ HT, y compris la résorption des bâtiments dépassant les seuils Points Noirs du Bruit estimée à 690 k€ HT) suivant 3 axes complémentaires : le traitement des Points Noirs du Bruit supplémentaires liés à l'augmentation à terme des niveaux sonores du fait du projet ; l'intégration dans le programme des études ultérieures de modélisations plus approfondies destiné à finaliser les choix techniques et le dimensionnement des protections et à les traiter spécifiquement, des tronçons présentant un niveau de bruit de forte densité notamment ceux situés en zone urbaine dense ; la prise en compte des demandes spécifiques du public ;

et en s'appuyant sur : une mise en œuvre de critères plus représentatifs    (du type "adimensionnel") ( ?) de la gêne ressentie par le public ; le contenu des nombreuses observations déposées pendant l'enquête publique ; une communication spécifique non technique sur les méthodologies retenues.

 

Concernant l’importance à accorder à ses demandes,  la commission souligne :

« La commission considère que l'important investissement supplémentaire à consentir en matière de protection phoniques est la seule solution permettant, sur le réseau actuel, une réduction significative des dommages collatéraux apparus et partant, un développement harmonieux du ferroutage, permettant une bien meilleure acceptabilité sociale. Cet investissements, visant à corriger les nuisances constatées notamment dans les zones denses, pénaliseraient certes à moyen et court terme le bilan socioéconomique et la rentabilité du projet mais reste, pour la commission, l'unique alternative permettant le développement harmonieux du fret actuel, notamment dans les formes envisagées du ferroutage. »

 

Les conclusions de la Commission  ne distinguent pas assez 3 sujets :
 

- le rappel à RFF « à la demande générale » de l’exigence de respect sur son réseau de la règlementation résultant de la loi de 1992, qui prévoyait la suppression en 7 ans des points noirs du bruit des infrastructures de transport nationales,  puis de la transposition en 2006 de la Directive européenne de 2002  sur le bruit, qui en élargit l’application et ajuste les critères (cf article antérieur sur la règlementation du bruit en lien 6)
 

 - l’exigence prévue dans les règlements d’une nouvelle étude de dispositions contre le bruit dans une zone dès lors qu’une modification (d’usage) d’infrastructure a un effet sensible sur le bruit (cf aussi l’article antérieur sur la règlementation) ...

 

- qui s’appliquent aussi aux points noirs du bruit dans les zones multi-exposées, les gestionnaires d’infrastructures impactantes  devant collaborer pour les traiter :  (cf l'article ntérieur sur la règlementation et celui sur les Plans de Prévention du Bruit dans l’Environnement dans les agglomérations : en lien 7, qui mentionne l’exemple d’Orléans où il y a conjonction du projet de ferroutage , de création de desserte sur la voie ferrée (vers Chartres) et  d’une voie importante à proximité (voie des Groues) ... dans un secteur où se situent des ZACS déjà construites et un futur éco-quartier)
 

- la demande spécifique de la Commission pour des dispositions meilleures pour l’artère de ferroutage  que celles imposées par la règlementation apparaît comme un moyen de lutter contre défiance considérable qu’elle a constatée sur les pratiques de RFF et ne pas faire du développement du fret sur le rail un sujet d’affrontement avec un nombre considérable de citoyens, organisations et collectivités.
 

La Commission souligne 2 éléments importants dans cette démarche : l’implication d’une expertise externe et l’augmentation des budgets prévus pour traiter le bruit dans le projet (ce qui ne va pas améliorer son économie générale).

 

Il est clair que dans l’état d’esprit décrit de simples déclarations d’intention ne vont pas suffire. C’est là qu’intervient un 3è élément que la Commission  spécifie : la désignation d’interlocuteur régional de RFF sur le bruit dans les zones impactée : en effet soit il sera le porteur d’une action concrète sur le bruit produit, disposant des moyens pour cela,  soit il sera là pour "gagner du temps" et il « précipitera »  une levée de boucliers du public (et des élus) au moins dans certaines régions.

 

 

IV. LE MANQUE DE PRISE EN CONSIDERATION DES INTERESSES / IMPACTES
 

  • Perception par la commission de l’information / concertation faite par RFF

     

« La commission a pu constater, lors de cette enquête, l'absence totale d'information de la population sur le projet en cours. Elle n'a découvert l'existence de ce projet que lors des publications des avis d'enquête dans la presse ou à la lecture des affiches placardées en mairie ou installées sur le futur itinéraire.

 

Plus surprenant, la presque quasi-totalité des communes concernées n'avait jamais entendu parler du projet d'autoroute ferroviaire avant le déclenchement de l'enquête. Ces communes ont, pour 48 d'entre elles, été pré-alertées à l'occasion des contacts pris par les commissaires enquêteurs pour arrêter leurs dates de permanences, les autres n'en ayant eu connaissance qu'au reçu de l'arrêté d'organisation de l'enquête envoyé par la préfecture du Pas-de-Calais, autorité organisatrice de l'enquête.

 

Certes, comme le rappelle RFF, la concertation n'était obligatoire que pour les seules plateformes de transbordement, mais une absence totale d'information des communes impactées par l'autoroute ferroviaire lors de l'élaboration du dossier et notamment des élus locaux a semé le trouble quant aux objectifs poursuivis lors de l'enquête et a renforcé la défiance des populations concernées ainsi que de ces mêmes élus locaux. » (il reste à vérifier que  seuls les deux terminaux relèveraient d’une enquête publique alors que des nuisances sont susceptibles d’affecter des constructions tout au long de la ligne)
 

  • Réponse de RFF

     

«  RFF a répondu que l'ensemble des formalités imposées par les textes en matière de publicité et d'information du public en amont de l'enquête publique (affichages, publications) ont été respectées » ce qui est parfaitement exact, mais arrive trop tardivement pour un projet de cette ampleur. RFF ajoute qu'il « a déployé des moyens importants pour assurer la communication auprès du public et des collectivités locales », sans apporter un commencement de preuve à cette assertion (réunions, courriers envoyés, dépliants diffusés, etc.). Au demeurant, si RFF a réellement déployé des moyens importants pour assurer la communication auprès du public et des collectivités locales, force est de constater que sur le terrain, tant les élus que la population n'avaient, avant de prendre connaissance du dossier aucune idée du projet mis à l'enquête alors que le simple envoi en amont de l'enquête publique d'une plaquette d'information à l'ensemble des municipalités concernées aurait largement favorisé le climat dans lequel elle s'est déroulée.

 

  • Conclusion de la commission sur l’information/concertation avant l’enquête publique:

« La commission d'enquête ne peut que regretter l'absence totale d'information préalable ayant donné l'impression d'un manque de transparence, voire d'une volonté de « passer en force ».

Elle est convaincue qu'une large concertation en amont de ce projet aurait permis d'identifier plus précisément les problématiques et les interrogations, par l'instauration d'un dialogue notamment avec les municipalités concernées par le projet et aurait permis d'envisager, voire d'apporter des débuts de solutions aux principaux enjeux ainsi mieux identifiés. » (on ne peut mieux dire)
 

(la concertation avec les communes et le public apparait réduite aux obligations légales minimales et il ne faut pas s’étonner d’une profonde défiance vis-à-vis des actions de RFF, dont la Commission a bien pris la mesure. Cette attitude est aussi contre-productive pour l’élaboration / acceptabilité du projet)
 

  • Perception de la Commission sur le dossier d’enquête publique


«  Le dossier, dans son ensemble, volumineux, touffu et confus était de piètre qualité, ou du moins peu adapté à sa mission première qui est celle d'informer complètement le public sur le projet en cours ( ?) ... s’agissant de l'aspect confus du dossier : Dans un souci d'exhaustivité les maîtres d'ouvrage avaient inséré dans le dossier une partie « programme » et une partie « projet ». Or la seule partie pertinente était celle qui traitait du projet mis à l'enquête et non celle du programme envisagé sur une plus longue échéance, d'où la confusion notamment avec la carte du programme présentant une plateforme possible à Brétigny ainsi que deux itinéraires entre Bordeaux et Poitiers et la carte du projet qui ne présentait plus qu'un seul itinéraire entre Bordeaux et Poitiers et qui ne mentionnait plus de plateforme intermédiaire en Ile de France » !
(On ne peut pas être d’accord avec cette analyse : autant il est plus commode pour la commission de n’avoir à dialoguer que sur le projet soumis à enquête publique autant pour les intéressés il est important de le situer, comme c’est le cas ici, comme étape d’un projet plus vaste : les accroissements de projets en projets sans visibilité sont précisément un moyen de créer des situations de défiance maximale )

 

  • Manque d’informations nécessaires pour réaliser l’enquête publique
     

« Par ailleurs, si les parties traitant des plateformes de transbordement étaient relativement explicites, celles relatives aux voies empruntées, spécialement en zone urbaine dense ne permettaient pas de renseigner correctement le public.
 

Ainsi il a été impossible au commissaire enquêteur de déterminer exactement les voies empruntées par cette future autoroute ferroviaire en région parisienne malgré des demandes en ce sens en cours d'enquête, ce qui a pu faire dire au public présent aux permanences que le commissaire enquêteur était incapable de renseigner que celui-ci « ne servait à rien », terme peu flatteur, mais au demeurant non dénué de vérité pour cette enquête.
 

De même il était très difficile pour le public de se faire une idée précise des caractéristiques de ce futur convoi, mis à part sa longueur (750m puis 1050 m) par rapport aux convois de fret existants. En effet, quid du poids futur des wagons Lohr chargés par rapport aux wagons de fret les plus lourds circulant actuellement sur le réseau ?
Il en est de même en ce qui concerne le niveau sonore des convois futurs par rapport aux convois actuels, sous forme d'une comparaison plus qualitative que quantitative
(le fait qu'un wagon Lohr ait un impact sonore de - 6dB par rapport à un wagon de fret actuel, ne permettant pas au public de se rendre compte du gain escompté en matière de nuisances sonores !)

La commission d'enquête regrette donc, que, notamment sur ces divers points, le dossier ne lui ait pas permis de renseigner plus précisément le public présent aux permanences.
 

(une enquête publique lors de laquelle les commissaires ne disposent pas de réponses à des questions légitimes des intéressés devrait être considérée/déclarée, donc ses conclusions, comme sans fondement suffisant)

 

V. LES APPORTS ET FAIBLESSES DE L’ENQUETE PUBLIQUE

 

L’AFA est la première autoroute ferroviaire ayant donné lieu à enquête publique :

« A la connaissance de la commission d'enquête, les deux autoroutes ferroviaires existantes (Alpine : Chambéry - Turin et Nord-Sud : Perpignan Luxembourg) ont été mises en place sans recourir à la procédure de l'enquête publique laquelle ne revêtait pas, jusqu'au 1er juin 2012, de caractère obligatoire pour ce type de projet  : la suite du Grenelle 2 de l'environnement, les critères instaurant le recours à la procédure d'enquête publique ont été modifiés. En effet, depuis le décret du 29 décembre 2011, applicable au 1er juin 2012 et ayant modifié les articles législatifs et réglementaires du Code de l'environnement relatifs à la procédure des enquêtes publiques environnementales, tout projet comportant une étude d'impact est soumis à enquête publique. »


 

  1. Apports :
     

L’enquête publique apparaît comme le dernier rempart contre l’opacité de projets vis à vis de de personnes directement impactés mais intéressées du point de vue de l’intérêt général ou comme contribuables ayant à supporter les conséquences.
 

En effet l’enquête publique apporte les informations initiales des porteurs du projet, les réponses complémentaires aux questions des commissaires ainsi que leurs analyses
 

Sur le plan de la mise en transparence l’enquête publique sur l’AFA est un excellent exemple, un effort considérable ayant été fait pour informer le public malgré les failles du dossier (mais pour cette raison insuffisamment, comme la commission l’indique elle-même : cf ci-avant), et clarifier ce qui peut l’être...

(au vu de ce qui figure dans le dossier AFA on tremble de savoir sur quelles bases ont été lancées, sans transparence, les deux autres autoroutes françaises de ferroutage)


De plus les commissaires peuvent agir sur le projet par :  

  • leurs demandes aux pétitionnaires en cours d’enquête sur des évolutions du projet lors de celle-ci, disposition qui a été ajoutée dans le processus d’enquête publique (cf article antérieur sur ce sujet)   
  • leurs réserves dans rapport d’enquête publique.

Sur ce sujet l'enquête publique sur l’AFA est elle aussi un excellent exemple .... des faiblesses dans ce domaine.
 

  1. Faiblesses :
     

Les  « Recommandations » qui figurent dans les conclusions : les porteurs du projet ont la liberté d’en tenir compte ou non aussi elles ne devraient porter que sur des points qui n’ont pas d'impact important / essentiel sur la suite.
 

Des « Réserves » très claires s’imposent donc si des choix apparaissent nécessaires pour que l’intérêt général soit bien pris en compte dans le projet : les conclusions du rapport d’enquête publique sur le projet AFA  illustrent, comme on va le voir ci-dessous, les faiblesses récurrentes à ce sujet.
 

« La Commission regrette que ce projet :

-      n'ait pas été précédé d'une large concertation associant notamment l'ensemble des maires et des acteurs économiques concernés ;

-      ait été présenté à l'enquête publique sous forme d'un dossier très volumineux, touffu et confus n'ayant pas permis aux commissaires enquêteurs de renseigner plus précisément le public présent à leurs permanences ;

-      ait abordé le problème des plateformes intermédiaires jetant la confusion dans l'esprit du public alors que ce n'était pas l'objet de l'enquête ;

Recommande :

-      de prendre en compte l'existence possible de « hubs » ferroviaires sur le trajet de cette  AFA, entrainant une concentration de passages se traduisant par une fermeture très fréquente voire parfois continue du passage à niveau concerné à certains moments de la journée et de minimiser, autant que faire se peut ces « hubs » pour éviter que de tels phénomènes ne se produisent ;

-      dans l'attente d'une libération de l'itinéraire passant par Angoulême, lorsque la construction de la ligne LGV-SEA sera terminée, d'accélérer le développement du mode de traction bi mode électrique-diesel pour y recourir au plus vite.
(une simple recommandation sur ce point semble totalement insuffisante alors qu’est en jeu dans un projet « environnemental » l’utilisation inutile de 2 motrices diesel par convoi sur des centaines de km, dont à travers des zones urbaines denses : il devrait y avoir une Réserve imposant soit d’attendre la disponibilité de motrices bi-mode ou celle du passage par Angoulême, soit un changement de motrices à proximité du tronçon non électrifié)

-      Mais surtout la commission d'enquête considère qu'il est essentiel de   corriger tous les points noirs, notamment sonores, apparus sur l'ensemble du parcours, et particulièrement en zone urbaine dense, au fur et à mesure du développement du fret. (voir ci-après)
 

EN CONCLUSION la commission d'enquête à l'unanimité de ses membres considère que l'opération envisagée est d'intérêt général et donne un AVIS FAVORABLE à la déclaration de projet nécessaire à la réalisation des travaux sur le réseau ferré national sous les Trois RESERVES suivantes : (Si l'une des réserves n'est pas levée par les maîtres d'ouvrage le rapport est réputé défavorable).

RESERVE 1 :

RFF devra s'engager à désigner un interlocuteur unique par région chargé de faciliter la communication et les relations entre les propriétaires, les élus et les associations ; (voir réserve 3 ci-après)

RESERVE 2 :

RFF devra s'engager à procéder à la pose de systèmes antivibratoires, au cas par cas, sur les portions de voies identifiées comme génératrices de dommages majeurs ; (c’est bien la moindre des exigences)

RESERVE 3 :

S'agissant des nuisances sonores, RFF devra s'engager :

-      à identifier lors d'études ultérieures conduites par un organisme indépendant du maître d'ouvrage (c’est une bonne chose d’en faire une exigence ) tous les immeubles ou autres ouvrages susceptibles d'être impactés (cf § III : ce qui est une exigence règlementaire).

-      à réaliser selon les prescriptions de cet organisme des modélisations plus approfondies avant de finaliser les choix techniques et le dimensionnement des protections phoniques à effectuer ; (ce qui va de pair avec la désignation d’un organisme indépendant)

-      à les traiter spécifiquement, selon un échéancier ne pouvant dépasser la mise en service des quatre aller-retour quotidiens en trains de 1050 m » ( soit 5 ans après l’entrée en service du ferroutage du projet ou plus si la montée à 4 AR de trains de 1050m est retardée... : cette formulation laisse un délai considérable pour la prise en charge la nuisance bruit au regard de la règlementation et des objectifs nationaux de résorption des points noirs du bruit  (cf § IV ci-avant). En outre elle laisse une ambiguïté sur le problème soulevé lors de l’enquête : rattrapage sur la ligne de l’application de la règlementation sur les points noirs  ou sulement sur les cas de dépassements provoqués par le ferroutage .  Il y a donc lieu de clarifier ce qui est exactement attendu de RFF pour que cette réserve soit levée ... et ce qui attendu dans cette action de l’interlocuteur unique par région faisant l’objet de la réserve 1.


Au delà, dans le domaine des faiblesses des enquêtes publiques, on peut observer que les conclusions des Commissaire ne disent rien sur l'essentiel qui ressort des éléments du projet , le fait qu'il est hautement contestable du point de vue de l'intérêt général , en raison du montant et du risque financier transféré au contribuable au regard de son impact très faible sur la réduction de circulation de camions sur les voies entre nord et sud ouest, des aléas et des nuisances qu'il provoque. 

La compétence et la bonne volonté des commissaires  ne sont pas en cause, comme on l’a vu, mais il y a une véritable disjonction entre l’objectif affiché  « se prononcer sur  l’intérêt général d'un projet » et les limites implicites ou autodéterminées de cette mission .

En effet, même dans un cas aussi aberrant qe l'AFA, elle se ramène à chercher à améliorer / expliquer / justifier le projet , quitte à le critiquer durement, mais sans se poser le problème et se prononcer sur la question de fond : sa pertinence du point de vue de l'intérêt général.

Il ressort donc que lorsqu'il y a manque de filtrage d'un projet aberrant en amont de l'enquête publique il ne faut donc pas compter sur celle-ci pour arrêter le processus avant d’arriver "au mur".

VI. CONCLUSION :
 

L’analyse du cas AFA montre que :
 

  • L’enquête publique, et c’est son grand mérite, permet de mettre en évidence le niveau de qualité/ intérêt d’un projet,  et dans le cas de l’AFA les éléments fournis montrent qu’il est loin d’être acceptable et même absurde

 

  • Le processus de décision amont sur les projets d'intérêt général (dont, mais pas seulement le CGI pour ceux mettant en jeu des fond publics) ne filtre pas systématiquement de tels projets.
     
  • Une concertation sérieuse au cours du processus pourrait permettre d’améliorer la réflexion des porteurs sur la pertinence / les solutions, et favoriser l’acceptation du projet dès lors que celui-ci est défendable (ce qui n’est pas le cas de l’AFA au moins dans la configuration de son lancement)
     
  • Lorsqu’on en arrive à l’enquête publique, non seulement la remise an cause de l’absurdité d’un projet « sort du cadre » mais l’utilisation des réserves sur le "comment" est insuffisante.
     
  • L’entrée en turbulence des projets après leur lancement est la conséquence de ci-avant
     
  • L’amélioration de la situation ne viendra pas, comme évoqué en introduction, de la « simplification des enquêtes publiques » ni de la renégociation des projets après leur lancement, qui tend à se développer, car c'est la démonstration et la conséquence de ce qui est indiqué ci-avant.
     

  • De toute évidence les problèmes proviennent autant des processus / méthodes qui permettent d’arriver à lancer des projets dans des conditions exécrables, que les errements des auteurs (et filtreurs) dans leur perception de l'intérêt général dans les projets et leur volonté d'intégrer les intéressés / impactés dans le processus, pour convaincre sur ce qui est pertinent et changer ce qui doit raisonnablement l'être.

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